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Récit du CanadaMan 2017 par Lucette


Pour ce premier CanadaMan trois de nos athlètes ont relevé le défi avec succès: Lucette Laflamme (médaille d'or de sa catégorie Femme 60-64), François Fortin (compte rendu ici) et Julien Bertrand.

Comme vous le verrez dans leurs comptes rendus, cet évènement est une affaire d'équipe, et même à l'entrainement Ils ont partagé de nombreuses sessions de natations avec d'autres participants au Canadaman avec Swim Smooth Montréal (Marc Flageolle, William Walcker, Minh Anh, Cindy Mercier...).

Marc, François, Lucette et Cindy prêts pour le CanadaMan/CanadaWoman=>

Voici donc le récit du CanadaMan 2017 vécu par Lucette Laflamme:

Cela a commencé par un rendez-vous à la pleine lune à 4h30 du matin. Je n'étais pas seule, on était 109. Tous habillés de noir wetsuit pour ne pas déranger la nuit. C'était solennel.

Chacun avait sa petite lumière personnelle pour marquer sa présence aux abords de ce majestueux lac Mégantic. Quelques points lumineux scintillaient au loin pour nous indiquer la route à suivre.

Un décompte initié par les fans et les méganticois retentit soudain en arrière-plan et voilà que la corne de brume annonce le départ.

Le cœur se serre dans ma poitrine. Je me lance. J'ai le souffle court et j'ai peur. Mais pas question de reculer.

Je ne vois pas les bouées au loin mais je suis le courant. Le courant, dans le sens de la direction que tout le monde prend. Parce qu'il n'y a pas de courant. Que des vagues qui me chahutent et qui me remplissent la gorge à chaque respiration.

Vite je me spote un kayakiste. De préférence un beau gars (tant qu'à faire) rendons la bataille un peu agréable !!!! Voyons Lucette, focus, focus... Mais voilà que Stéphane se présente et me prend en charge. Allez y Madame vous allez l'avoir! Vous allez l'avoir, vous allez l'avoir, il reste juste 3,7 km sur 3,8 pis j'en peux déjà plus. Enfin. Je m'accroche à Stéphane et reprends mon souffle. Je repars, direction milieu du lac pour atteindre le tournant fatidique à 90 degrés qui me mènera vers la sortie. Chaque bouée devient un objectif que je partage avec Steph (bien oui on est devenu un petit peu plus intime...). À chaque bouée donc, je lui dis "OK je vais jusqu'à la prochaine sans m’arrêter, au fait elle est quelle couleur la prochaine? OK, bleu". Je repars. Et ainsi de suite jusqu'à ce que je reprenne un rythme normal digne de quelqu'un qui s'entraîne chez Bart Coaching.

J'impressionne Stéphane et ce dernier commence même à me challenger, si tu continues comme ça on (remarquez le "on", qui me fait sentir qu'il est bien avec moi) on va même en dépasser quelques-uns. Oh boy, ça en prenait pas plus pour me motiver, et je flye jusqu'à la plage où mon équipe technique et mes fans m'attendent avec un bonheur extrême. Extrême, tiens donc, il me semble que ce mot imprègne tout mon univers ces temps-ci (sans toutefois en comprendre le vrai sens…). Enfin.

Transition 1: En un rien de temps, j'enfile un Ensure (hey, oh ! c'est pas juste pour les personnes âgées, quoique je suis peut-être rendue là finalement....enfin passons), mets casque, gants et lunette et retiens tous mes sphincters pour ne pas faire pipi dans mes culottes, pas le temps. J'ai en effet l'impression que le lac a pris ma vessie pour un réservoir de rétention d'eaux pluviales pour ne pas déborder, et dieu sait s'il a plu dernièrement !!!! Enfin, c'était le feeling que j'avais. Je vous le dis tout était extrême !

Vélo:

Je me sens donc comme un jockey qui enfourche sa monture et qui se lance sur la piste de course. Bon la comparaison s'arrête là car la puissance fougueuse du cheval n'a rien à voir avec la puissance de mes mollets déjà en feu (à vous de deviner lequel des deux, cheval ou mollet, est plus puissant, moi je le sais). Mes premières montées se font difficilement, le circuit commence fort. Mais je le savais. Mes trois fins de semaine de repérage m'ont enseigné l'approche de la route des sommets de Mégantic. D'abord le regard, yeux dans les yeux avec la côte à gravir, on se "seize", on s'apprivoise, on montre chacun nos côtés déterminés, pas de compromis possible. On s'affronte prudemment mais avec énergie et un peu d'économie. On se flirte, on se rapproche, puis on se rentre dedans. On pédale, on est patient. On pédale jusqu'à s'en arracher le cœur, on respire fort, très fort. Puis on finit le tout en dansant le dernier petit pitch (en danseuse!). Le sommet atteint, on relâche la pression mais on ne peut relâcher l'attention car le trip à deux n'est pas fini. C'est le moment de l'extase, la descente vertigineuse. Tout vibre. Tout défile à vive allure, j'ai peur mais en même temps je suis enivrée par le vent qui siffle sur ma peau et par mon odomètre qui accumule des kilomètres. Aller le plus loin possible dans la prochaine côte qui se présente à moi, c'est l'objectif. Je travaille ma cadence, mon wattage. Soudain, ma Garmin me rappelle qu'il faut que je mange ou que je boive quelque chose. Oups, je reviens sur terre et me rappelle que je suis en compétition et que c'est pas juste pour le fun que je suis ici (!!!!). Il y a quand même des petits moments de bonheur dans tout ce trip. La description de cette montée/descente peut paraître excitante, en fait elle l'est pour les premières côtes, mais il y en a 10, 15, vingt, mille. J'avoue que ça devient moins romantique au fur et à mesure que tu te les tapes.

Fort heureusement je n'étais pas seule. J'avais ma super équipe technique composée de ma petite sœur Catherine, qui venait tout juste de faire le demi Ironman de Tremblant et Gilbert Langlois le super mécano de Cycle technique et officiel à Tremblant pour les Ironman depuis le tout début en 2012. Ils ne se connaissaient pas avant, ils ont passé près de 20 heures ensemble et avaient comme seul objectif, me monter au sommet du mont Mégantic, tout un contrat! Alors, ça aussi c'était extrême. J'avais donc une équipe technique extrême, la crème des crèmes, pour réussir mon objectif. La portion vélo s'est donc faite en leur compagnie, le ravitaillement, les pipi stop, le support technique, et les "let's go t'es capable" étaient assurés par cette merveilleuse équipe. Ils étaient comme des scouts, toujours prêts. Ils étaient aussi les calculateurs des "cut off", les officiels de mes temps pour mon coach Mario et les encadreurs de mes fans. Encore une fois, job extrême. Mes fans m'attendaient à des points bien précis tout au long du parcours. Ils étaient conduits par un pilote de l'écurie Mercedes, le grand Marc, maître klaxonneur. Après les points critiques franchis, dont la côte Morne et le deuxième passage à Baie-des-Sables, ainsi que les 178 km pédalés, me voilà rendue à Chartierville pour la dernière côte, 15%, facile vous me direz !!!!. Je l'avais essayée en repérage, mais je n'avais pas été capable de la monter au complet. Alors j'ai utilisé un des mantras, qui vient de ma petite sœur Catherine "quand il n'y en a plus, il y en a encore....". Et bien sacre bleu, ça a marché ! J'ai mis ma robe de danseuse, ma fatigue à off et mon mental sur le mantra. J'ai eu un petit réflexe de gamine et décidé de monter la côte en zigzag, car en ligne droite je tombais par en arrière (et non je n'exagère pas, est-ce que je vous ai dit que tout était extrême?). J'avais mal dans le dos, mon poids qui alternait d'une pédale à l'autre n'était plus assez lourd pour actionner le pédalier sans un petit kick supplémentaire, je soufflais fort, très fort. La zone de transition approchait timidement. Quand il n'y en a plus, il y en a encore...qu'elle disait ma petite soeur. Jusqu'où je peux aller avec ce mantra. Ben jusqu'en haut ma Lulu. Et me voilà arrivée, j'ai réussi. J'ai réussi cette fois-ci, Mario! Mes fans Marie et Luco m'ont encouragée jusqu'en haut, maintenant l'un tient le vélo et l'autre me tient par le bras.

Transition 2:

On m'emmène à la tente. Mon équipe technique me recharge, et je repars pour la portion course sans trop trop comprendre où j'en suis.

Course à pied:

Je pars seule à la course (!) car c'est une portion dans les bois où je ne peux avoir d'assistance et ce, pour les cinq premiers kilomètres. Évidemment je ne cours pas, je marche. Je reprends le beat. Mais il y a encore des côtes. À chaque fois que j'en vois une, j'ai mal au cœur. Et le petit rituel décrit plus haut pour le vélo "on se regarde dans les yeux, on est déterminé, on se rentre dedans, bla bla bla...." foutaise, ça marche plus. J'écrase. J'essaie de pratiquer la marche rapide, vous savez la limite entre course et marche, je pense même que c'est une discipline olympique. Enfin je m'amuse à me déhancher le plus que je peux en espérant progresser un peu et sortir du bois au plus vite (genre OPC). À la sortie c'est mon petit frère Antoine qui m'accueille (un marathonien émérite, avec des grandes jambes, genre que je fais deux pas pendant que lui en fait un, frustrant...enfin), on marche ensemble, il me fait du bien et je repars pour un 12 km avec mon équipe technique. Catherine m'accompagne. "Je veux ben" comme on dit, mais ça veut pas courir. Enfin, je m'accroche, ça descend. Gilbert est toujours prêt, et toujours près. Ça me rassure. Il ne faut pas que je tarde. Je prends le bras de Catherine pour marcher un peu. Je rentre dans le bois encore une fois, mais cette fois-ci elle peut m'accompagner. Elle m'encourage, me motive, je ne veux pas qu'elle me fasse rire car soit, que je pisse dans mes culottes soit que je ne suis plus capable de marcher. On marche et court en silence. Là c'est la bouette qui se met de la partie, c'est pas le temps de se mouiller les pieds, il en reste trop à faire. Sinon, ampoules à l’horizon. On sort du bois. On reprend le chemin pavé et là je m'accroche à elle par en arrière et elle me tire. On fait un bout comme ça, belle synergie mais drôle de position. Nous sommes comme une petite locomotive, l'une derrière l'autre, et on trottine. Ça m'aide beaucoup mais pour elle c'est demandant, c'est forçant. Alors elle décide de fonctionner aux gaz... et bien sûr sans m'en aviser. Et voilà que la locomotive fait tchou tchou (genre prout, prout), et le wagon de queue (en l’occurrence moi), au lieu de prendre de la vitesse, se met à tituber, asphyxiée par les émanations du carburant. Fou rire total...j'ai pissé dans mes culottes. Je revois la scène et je ris encore. Enfin....c'était sa façon à elle de m'aider. Je ne peux pas lui en vouloir, c’est ma petite sœur.

J'entame l'avant dernière portion, une portion technique dans le bois, sans accompagnateur, pour se rendre au dernier 8,5 km qui me mènera au sommet. Cependant on peut venir me rejoindre, en commençant par la fin du sentier. Je pars avec mes bâtons de marche, je laisse Catherine et Gilbert, avec comme plan de match que Catherine viendra à ma rencontre. Sentant la fin, j'ai un petit regain d'énergie. Je pars dans le bois, tra la la, la lère!. Mes bâtons m'aident beaucoup et mon objectif c'est de faire en sorte que Catherine n'ait pas à faire trop de kilomètres pour me rejoindre à l'autre bout. Alors, pas de niaisage, focus. C'est ce que je fais. Je marche d'un pas décidé, pas question de courir dans ce sentier. La noirceur s'installe, je n'ai pas de lampe frontale. Après un long moment, en fait je n'ai plus conscience du temps, après un certain temps, j'aperçois une lampe frontale, et je demande qui c'est. Un organisateur qui me dit que j'ai un bon rythme et que tout va bien. Ah bon, me dis-je! Je continue, mes bâtons sont d'une aide inouïe. Je suis concentrée et je me dis que Catherine ne devrait pas être loin. J'ai confiance. Je suis trop proche de mon but pour relâcher d'un iota. Une autre lampe à l'horizon, je m'approche, je m'approche....c'est Gilbert. Je suis submergée de joie. Mais où est Catherine? Elle s'est trompée de sentier pour venir à ma rencontre, elle semble perdue et n'a pas de lampe frontale. Et, de plus, elle pense que je suis perdue aussi. Panique en la demeure. Dès notre rencontre Gilbert et moi, on appelle Catherine pour lui dire qu'on est ensemble et qu'elle devrait rebrousser chemin vers l'astrolab. On se retrouve donc les trois à l'astrolab peu de temps après. Il ne reste que 8,5 km pour atteindre le sommet, c'est le plus technique des sentiers. On a le OK de l'organisation pour continuer. Il est 21h30. Les décisions se bousculent. Catherine décide de ne pas monter, sage décision mais pas facile à prendre. Elle sait que Gilbert est là et qu'il prendra le relais. Marie la réconforte. Je suis déstabilisée mais tout me semble relativement serein, alors je ne m'inquiète pas. Les fans sont tous réunis autour de moi. Sophie et les filles me donnent du courage et Anne m'embrasse sur les deux joues. Gilbert me rejoint, et nous partons. Bien équipés de bâtons de marche, lampe frontale, bouffe, eau, pepsi et tout notre courage on entreprend la dernière ascension, confiants qu'on réussira. C'est parti. Gilbert mène le bal.... de la finissante. Ça monte, ça monte...jusqu'au mont St-Joseph. Tout va bien. Un organisateur prend mon numéro de dossard en note. On continue, il fait noir et même de plus en plus noir. C'est que la lampe frontale de Gilbert est en train de rendre l'âme, oups...Soudain on rencontre Gabriel et Éric son accompagnateur, assez cool les mecs. Mais nous on a une job à faire alors on ne s'attarde pas trop, juste le temps qu'Éric donne à Gilbert une lampe frontale qu'il avait en surplus dans son sac à dos. C'est reparti, Gilbert me coache. Il est toujours devant et aux cinq minutes il vérifie mon état. "Ça va?" et selon l'intonation de ma réponse, il sait si on doit continuer ou arrêter ou ralentir. Il est fort. Il veut qu'on réussisse. Moi je le suis comme un zombi. Je focus de tout mon être pour ne pas tomber. Je veux réussir aussi. On arrive à un poste de ravitaillement en plein milieu du bois. Mirage. C'était le seul poste de ravitaillement de tout le Iron. On nous dit qu'il reste que 2,6 km et qu'il n'y a plus de cut off pour la course. Gilbert me dit, veux-tu arriver quand même avant minuit? Ma réponse est sans équivoque, c'est oui. Alors on augmente la cadence et hop on repart. Le dernier 2,6 km nous a paru interminable. Le sentier était difficile, rocheux, rocailleux, boueux. Côté dénivelé? Sans commentaire. En aucun moment j'ai senti mon meneur perdre son attitude de battant. Ça m'inspire. On entend des voix au loin, on approche du but. On entrevoit de la lumière. On approche du but. Et voilà que le chemin vers le fil d'arrivée se déroule devant nous. Encore une dernière côte. Puis le tapis de sportstats. Puis la fin. Puis la chaise bien méritée. On m'interview, je suis sans mot. Je frissonne.

La réalisation de cette aventure m'a fait sortir de ma zone de confort. Ça fait tellement de bien d'aller au bout de soi. Je suis fière. Je me sens neuve. Je me sens top shape. What’s next? Sans mon équipe technique, mon coach, Stéphane et mes fans je n’aurais pu. Merci, merci de tout mon cœur.

Je suis donc une "finisher" du Canada Man / Woman, Xtrême triathlon, Lac Mégantic 2017, avec un temps de 19h58. J'ai même eu droit à la médaille d'or dans mon groupe d'âge (60-64). J'entends déjà des petits coquins me dire, oui mais tu étais la seule "finisher" dans ton groupe d'âge. Ben oui, j'étais la seule. Mais vous savez quoi ? Je suis quand même allée fièrement sur le podium chercher ma médaille d'or, juste le temps de vivre encore un "extreme" feeling!

Lucette

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